Les échos & le fil © Yann Kerveno

Published on 25 avril 2024 |

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Is pistache the new amande ?

Le pistachier est LA star du moment. Vous n’avez plus d’eau pour mener la vigne ? Plantez donc des pistachiers plutôt que d’irriguer, entend-on dire à l’envi. Mais, comme souvent, les miracles n’existent que dans la bouche de ceux qui les professent. Qu’en est-il exactement ? Le fil du 24 avril 2024.

Pendant que tout ce que le monde méditerranéen compte de producteurs et négociants de fruits et légumes se retrouve à Perpignan aujourd’hui et demain (Medfel oblige), les questions d’accès à l’eau, de ressource, de sécheresse, d’adaptation seront au cœur d’une partie des discussions puisqu’elles font partie des grands enjeux de court et long terme de l’agriculture méditerranéenne. Aussi, quand viennent dans les discussions les opportunités de diversification, une espèce revient souvent : la pistache. Alors, vraie alternative ou miroir aux alouettes ?

Un peu d’histoire pour commencer, et bien comprendre ce dont on parle. La pistache, comme plein d’autres trucs qui se mangent de nos jours, on la doit au Moyen-Orient et à la Perse en particulier. Elle est mentionnée dans la Bible, semble originaire d’Iran mais c’est en Syrie qu’elle a pris son envol avec des variétés certes moins charnues mais aussi savoureuses qui enchantèrent Lucius Vitellius. Vous devinez la suite, si les Romains sont fous, ils ont oublié d’être bêtes et ont disséminé les pistachiers dans ce qui est aujourd’hui l’Italie, on est là au tout début de notre ère, après les Grecs toutefois, rendons à Alexandre le Grand ce qui lui appartient… Mais il faudra visiblement attendre l’expansionnisme arabe du Moyen Âge pour voir les pistachiers gagner l’ensemble du pourtour méditerranéen et le XVIIe siècle pour que les pistaches soient « découvertes » et appréciées en France.

Les pistachiers ont ensuite traversé l’Atlantique au début du XXe siècle. Les tout premiers vergers furent plantés dans les années trente sous l’impulsion d’un botaniste, William E. Whitehouse, qui s’en fut en Iran collecter des pistaches de différentes variétés pour les planter et les tester dans la Central Valley Californienne. Région que l’on sait bénie des dieux de l’agronomie et dont le climat, étés secs et chauds, hiver doux, est réputé convenir parfaitement à l’espèce. La production américaine commencera àpeser à partir des années soixante face au bassin de production historique proche-oriental. Aujourd’hui, la Californie (165 000 hectares) produit la moitié des pistaches mondiales, devant l’Iran (16 % de la production mondiale avec 125 000 hectares) et la Turquie (14 % de la production mondiale avec 389 000 hectares). L’histoire est belle, simple, un arbre miracle pour sauver l’agriculture des zones mises en danger par le changement climatique, c’est parfait pour générer des dizaines de papiers dans les journaux ou reportages à la télé.

La clé est donc là. Pour que les pistachiers prospèrent, il leur faut un climat particulier, chaud et sec en été et pas trop froid l’hiver. Il n’en faut pas beaucoup plus pour qu’on y voit donc la solution miracle au changement climatique. La preuve ? L’Espagne s’est largement convertie pour remplacer les vignes en particulier, en greffant les variétés les plus adaptées sur des pistachier térébinthe (une des versions sauvages du pistachier résistante au froid). Le verger espagnol compte 70 000 hectares plantés en une dizaine d’années, dont les deux tiers cultivés sans irrigation. On regarde aussi la pistache avec intérêt du côté de l’Italie…Et en France, où la Provence est pionnière avec 200 hectares, les premières plantations y tardent un peu à faire leurs preuves, économiques au moins. Et l’absence actuelle de filière structurée pour absorber la production n’aide pas à prendre la décision d’investir dans ce type de vergers.

Alors oui, le pistachier est sobre, il est capable de mener sa production correctement au bout avec seulement 350 mm d’eau par an (en comparaison, une vigne lambda demande 550 mm). Mais au regard de ces données, si le pistachier peut s’épanouir en climat méditerranéen, il a quand même une exigence, pouvoir disposer de sols assez profonds, 2 mètres, aérés et bien drainés, car il est très sensible à l’asphyxie par excès d’eau. Il est aussi sensible au vent pour la pollinisation. Son autre tare, qui ne l’est que si l’on est pressé, c’est le temps qu’il met pour entrer en production, entre sept et dix ans… L’optimum de production intervenant entre 10 et 15 ans et l’irrigation, même si l’on peut s’en passer, est un recours obligé si l’on veut visiblement conserver une productivité régulière parce qu’elle imite le phénomène d’alternance (certains espèces, comme la pistache et l’abricot alternent une année de forte productions avec une année plus faible). Autant de freins qui expliquent que, finalement, on ne se soit pas vraiment préoccupé de cette espèce jusqu’ici, même si le marché domestique existe, il s’en consomme 10 000 tonnes par an en France, que nous importons. Parce que, comme souvent, entre l’arbre qui pousse miraculeusement en climat sec et la rentabilité économique pour un verger, il y a un monde que le changement climatique ne parviendra peut-être pas à surmonter…

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